Argentum, 9 ans, aile de pluie des plus charmeurs

Que dire de moi. Et bien physiquement je suis petit, très petit mais beau, très beau. Peut être un peu trop sûr de moi mais… J’aime vraiment prendre soin de mes écailles naturellement opalines et de mes longues ailes dont les bords ont l’air taillés dans de l’or. Le même or qui orne mes fines et douces aigrettes,aussi douces que l’ivoir laiteux qui enrobe mes magnifiques cornes où mes griffes taillées avec soin. Mes yeux, mes beaux yeux, brillent d’un éclat argent malicieux, calme, pur... Pur comme mon cœur parce que oui, j’ai le cœur pur et romantique. Un cœur de poète parce que c’est ce que je suis, un poète ! J’aime laisser mon cœur s’envoler à travers les mots. Et je sais aussi que les dragonnes aiment ça. Alors comment dire… Je profite de ce petit avantage… Même si je ne suis probablement pas l’aile de Pluie le plus fidèle de l’univers. Certains me voient même comme un véritable crève-cœur. Mais que voulez-vous, ma plume libre et ivre de voyages. Je suis un assez bon ami, mais un piètre confident, et ce parce que je suis maladroit autant dans mes gestes que dans mes paroles. J’ai beau détester me salir, mes belles griffes immaculées sont très souvent noires de l’encre de mes parchemins, et ce même lorsque j’écris à la plume. Je ne garde jamais mes poèmes et mes textes avec moi. Je les écris, je les signes, puis je les abandonne comme ça entre deux pierres, sur l’étal d’un marchand ou parfois même dans un arbre. Mon espoir dans ces moments là est qu’un dragon trouve le parchemin, le déroule, le lit et surtout l’apprécie. Je suis un peu rêveur, je sais. Tellement rêveur que je ne suis toujours qu'à moitié dans le monde des vivants. Dans ces cas là, le moindre bruit peut me faire sursauter. Enfin… Le moindre bruit me fait toujours sursauter. Je suis un dragon nerveux et même parfois très peureux. Oui, ça me fais mal de l’admettre, mais j'ai peur de bien des choses. Ma petite taille n’arrange pas les choses, j’ai en permanence l’impression d’être une proie facile… Parce que oui, je suis un dragon très petit pour mon âge.

Bienvenue dans la considérable écloserie des ailes de pluies. Oh ! Regardez ! Un œuf bouge ! Si vous vous approchez, vous pouvez voir une petite truffe d'un bleu laiteux et scintillant : Moi. Étendant mes ailes de toute mes forces, je laisse apparaître les courbes dorées de mes ailes et de mes aigrettes. Je suis déjà adorable, je sais. On me nomma Argentum pour mes adorables yeux d'angelot argentés.

Après quelques années à la crèche, me voilà à l'école. Je suis plutôt sociable et, il faut se le dire, je suis déjà un beau dragueur. Seulement, je ne supporte pas l'école. Je rêvasse en cours, ratant le moindre de mes camouflages et manquant toujours ma cible en cours de lancé du venin. De plus, retenir les noms des fruits me prend la tête. Je ne suis bon qu'à rêver, rêver comme le vent à travers les vers de mes poèmes.

Les femelles m'adorent, mais les mâles de mon âge, eux, c'est une autre histoire. Un jour, la tête dans les nuages dans la cour de recrée, je marche sur la queue d'un gros aile de pluie aux écailles souvent rouge. Il m'a toujours fait peur, mais ce jour là, il s'énerve et me frappe. Si les ailes de pluies sont censés être pacifiques, les dragonets eux sont de véritables terreurs ! Depuis ce jour, comme Pomme, parce que c'est son nom, s'est amusé en me frappant, il réitère l'opération à coup de petites piques discrètes.

Au début je l'ignore, mais plus je l'entends, plus j'en pleure. Et ça se ressent dans mon écriture. Mon professeur d'histoire qui a l'habitude de me reprendre mes textes pour que je l'écoute me convoque un jour dans son bureau.
Il a peur. Sur ma feuille, il était écrit tout en bas
Si mes écailles se ternissaient
Si un jour, mon sang giclait
Mon cœur serait en paix
Ma rage serait calmée
Oui, c'est vrai, je suis sensible. Très sensible. La peur me prend facilement et la peur me rend fou. J'ai envie de mourir pour que Pomme me laisse tranquille parce qu'au bout d'un an je ne supporte plus de l'entendre. Le jour où le professeur m'a convoqué j'ai fait quelque chose d'impensable. Quelque chose que je n'aurais jamais fait auparavant. Je lui ai dit

Va donc avec tes élèves et si il t'en manque un demain, ne soit pas étonné. D'ailleurs professeur dites à Pomme qu'il peut être fier, ce qui devait arriver arrivera immanquablement.

Pour la première fois de toute ma vie j'ai réussi mon camouflage.

J'ai passé les prochaines années à errer entre les villes et les villages en guerre. Je contais un message de paix à qui voulait l'entendre, semant l'espoir et le reconfort dans mon sillage. Lorsque la guerre prit fin je me fixa une mission. Je voulais offrir le bonheur comme je l'ai fait durant des années.

C'est ainsi que maintenant, à 9 ans, je parcours Phyrria en déposant mes textes. Et jamais, non jamais, je ne reviendrai chez les ailes de Pluies.